tortues sous l'eau
Applications & Services 06/07/2020

Les animaux peuvent aider les systèmes d’observation des océans

Les données recueillies sur les animaux par télémétrie satellite Argos peuvent être également utilisées par l’océanographie physique, afin de combler un certain nombre de lacunes dans les systèmes d’observation des océans. Une étude détaille la manière dont les capteurs installés sur des animaux peuvent compléter le réseau de flotteurs-profileurs automatisés Argo.

L’équipement d’animaux avec des émetteurs de télémétrie par satellite sert principalement à acquérir des connaissances sur leur écologie, à évaluer la vulnérabilité des espèces aux changements environnementaux et/ou à connaître la répartition des espèces, à recueillir leurs localisations mais aussi, pour certains émetteurs, des données de température, conductivité, salinité, oxygène ou chlorophylle.

Nous avons montré ici plusieurs études où les données collectées par les balises Argos sur des animaux ont également été utilisées par des modèles d’océanographie physique (éléphants de mer, tortues olivâtres, baleines boréales…). Mais y a-t-il un intérêt réel et spécifique à de telles utilisations, par exemple en complément d’autres systèmes ?

 

Cartes de recouvrement entre les zones lacunaires du réseau Argo et l'occurrence par groupe d'animaux3 000 suivis par télémétrie pour identifier les zones où les animaux peuvent compléter les flotteurs

Une étude examine cette question en comparaison avec l’un des plus grands systèmes automatisés de collecte de données physiques – le réseau de flotteurs-profileurs Argo.

En utilisant une base de données de plus de 3000 trajets d’animaux, de 183 espèces représentant huit grands groupes (thons et marlins, requins et raies, tortues marines, pinnipèdes, cétacés, siréniens, oiseaux de mer volants et manchots), ces analyses permettent d’identifier des zones où les capteurs portés par des animaux pourraient potentiellement compléter les systèmes d’observation des océans.

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L’intérêt des données collectées par les animaux dépend bien sûr du comportement de chaque espèce, et des zones où ils vivent. Toutefois, comme de grandes zones de l’océan sont sous-échantillonnées par le réseau Argo, pour des raisons environnementales (la présence de glace de mer, des eaux trop peu profondes), logistiques (zones difficiles d’accès), politiques (zones économiques exclusives) et de sécurité (notamment du fait de la piraterie), il est intéressant de combler les lacunes avec ces données venant des animaux.

De plus, les animaux marins qui ont besoin de respirer plongent et remontent à la surface : ils peuvent ainsi enregistrer à haute fréquence des profils de température ou autre en fonction de la profondeur.

 

principales zones où les instruments embarqués peuvent contribuer
Les principales zones où les instruments embarqués peuvent contribuer sont les zones côtières celles de remontée d’eau froides des plateaux continentaux, mais aussi les 10 m supérieurs et l’océan profond, et au-dessus des 60° de latitude. (source : [March et al. 2019])

Des espèces particulièrement intéressantes

Géographiquement, les animaux vivant à des latitudes plus proches du pôle que 60°, ou sur les plateaux continentaux, comblent deux des principales lacunes du réseau Argo. Les pinnipèdes présentent donc un intérêt particulier puisqu’ils peuvent vivre à ces latitudes élevées. Certains animaux vivent également près de la surface, d’autres plongent très profondément (jusqu’à 4000 m pour certaines baleines), les deux étant des couches océaniques sous-échantillonnées.

Les tortues de mer en particulier peuvent donc compléter la couverture des eaux peu profondes et des couches superficielles, puisqu’on les trouve souvent dans les eaux tropicales ou tempérées peu profondes.

 

Garantir des observations durables

Cette étude montre que le système d’observation de l’océan dans toutes ces régions de l’océan bénéficierait grandement de l’utilisation de données de capteurs issus de suivis d’animaux en plus des instruments automatisés actuellement utilisés. Les programmes d’observation des animaux doivent bien entendu avoir des objectifs biologiques clairs et tenir compte des questions de bien-être et d’éthique, mais la combinaison d’études biologiques et physiques peut garantir de façon plus durable les observations dans les deux domaines.

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Photo: tortue caouanne équipée d’un émetteur Argos (Source: Miquel Gomila/SOCIB)

Référence

  • March D, Boehme L, Tintoré J, Vélez-Belchi PJ, Godley BJ. Towards the integration of animal-borne instruments into global ocean observing systems. Glob Change Biol. 2019;00:1–11. https://doi.org/10.1111/gcb.14902