pollution maritime
29/05/2024

Victoire franco-sri-lankaise contre l’éco-criminalité

Flagrants délits de pollution constatés depuis l’espace, pollueurs criminels identifiés grâce à CLS, filiale du CNES, sanction infligée par les autorités locales, découverte inédite de niveaux de pollution alarmants, conseils en gestion opérationnelle et judiciaire dispensés par le Cedre et Cosse Consulting, financement d’aide au développement apporté par la France, découvrez les coulisses d’un système antipollution français bien rodé.

 

Le naufrage de l’X-Press Pearl : haut de l’iceberg d’une éco-criminalité insoupçonnée

Le 17 juin 2021, un cargo singapourien sombrait au large de la larme de l’Inde, à 21 m de profondeur.

Le X-Press Pearl, transportait 1 486 conteneurs chargés d’acide nitrique, de soude caustique, de résine époxy, d’urée, de produits alimentaires, de biens de consommation, de granulés plastiques industriels ainsi qu’environ 350 tonnes de produits pétroliers dont 320 tonnes de fuel de propulsion.

Les pollutions marines et littorales sont sans précédent. Elles affectent la faune, l’environnement mais aussi la pêche et l’aquaculture.

La France propose alors son aide au Sri Lanka en mobilisant le dispositif FASEP* d’aide au développement qui permettra aux autorités sri-lankaises de tester le savoir-faire français en matière de lutte antipollution, et plus particulièrement les services de détection et d’identification de pollueurs par satellite fournis par l’entreprise CLS ainsi que l’expertise du Cedre et de Cosse Consulting.

L’objectif est précis : surveiller pour le compte de l’Autorité de protection de l’environnement marin du Sri Lanka (MEPA) les pollutions hydrocarbures en mer, et plus particulièrement celles issues des déversements sauvages (ou dégazages) que pratiquent les navires qui renâclent à nettoyer leurs cuves au port.

Après 6 mois d’opération du service, le constat est alarmant. Les autorités locales elles-mêmes affirment n’avoir pas suspecté, jusque-là, l’étendue du problème. Les données acquises et analysées par CLS attestent qu’en moyenne, c’est au moins un volume équivalent à un X-Press Pearl par mois qui est déversé dans les eaux srilankaises. 66 dégazages illégaux ont ainsi été détectés, générant des pollutions qui atteignent jusqu’à 160km de long. 500 000 litres d’hydrocarbures sont donc outrageusement déchargés par des cargos sans état d’âme chaque mois.

Naufrage du X-Pearl
Naufrage du X-Pearl

 

Une première condamnation – un système qui prône la dissuasion

50 000 euros, c’est le montant de l’amende dont le Global Crest a dû s’acquitter pour être autorisé à reprendre sa route après avoir été arraisonné à la suite d’un flagrant délit de dégazage observé sur une image satellite radar analysée par les experts de CLS grâce au logiciel MAS (Maritime Awareness System).

Ce système unique, combinant les technologies big data et l’expertise de CLS s’avère à nouveau redoutable.

logiciel maritime MAS
Exemple du logiciel maritime MAS (Maritime Awareness System)

Au-delà de la somme, qui peut paraître symbolique puisque dix ou vingt fois inférieure à ce qui aurait été infligé en Europe, c’est la manifestation d’une volonté de restaurer un contrôle régalien pour que ces crimes environnementaux cessent de rester impunis. Grâce à la convention MARPOL adoptée il y a 40 ans par les Nations Unies, les autorités maritimes des états côtiers peuvent inspecter les navires suspectés de dégazages illégaux, si nécessaire avec des moyens coercitifs (arraisonnement en mer, immobilisation au port), et le cas échéant, leur infliger des amendes en vertu du principe pollueur-payeur. A cette amende s’ajoute les coûts opérationnels d’immobilisation (plusieurs dizaines de milliers d’euros par jour) et dans une certaine mesure, l’atteinte à la réputation. Les autorités sri-lankaises comptent également actionner ces leviers dissuasifs.

 

Retour sur une investigation spatiale

C’est en pleine nuit que les analystes de CLS reçoivent et analysent l’image qui constituera la preuve qu’un crime environnemental a été commis. Ils signalent alors immédiatement à la MEPA l’importante pollution détectée au large de Colombo, manifestement causée par un rejet illégal du Global Crest, un pétrolier de 120 mètres sous pavillon panaméen faisant route entre la Malaisie et les Émirats Arabes Unis.

Le navire avait démarré son voyage depuis Port Kelang (Malaisie) à destination de Khor Fakkan (EAU).  Après quelques jours, le navire ralentit, change de route et se rapproche des côtes sri-lankaises. Il se met alors à dégazer, en soirée, et pendant plus de 3 heures. Malheureusement pour lui, sous les yeux du satellite, et une heure trente plus tard, l’image radar analysée par les experts de CLS qui veillent 24/24 révèle toute l’histoire.

Les analystes de CLS utilisent MAS, un système basé sur près de 35 ans d’expertise en sécurité maritime qui utilise les technologies big data, pour traiter un grand volume de données hétérogènes, et s’appuie sur l’expertise des analystes de CLS basés à Brest. Ensemble, ils fournissent des informations précieuses sur l’ensemble des activités maritimes au moment du crime.

Sri Lanka MASSur cette première carte, nos experts ont observé l’ensemble du trafic maritime dans la zone au moment du crime ainsi que l’empreinte radar sous forme de rectangle grisé.

Sri Lanka MASSur cette seconde carte, la trajectoire du bateau coupable sur cette même période a été isolée.

pollution identifiee au Sri LankaSur cette troisième carte, l’image satellite acquise et analysée révèle alors la marée noire détectée (soulignée et entourée en rouge).

Taille pollution Sri Lanka

Sur cette dernière carte, le zoom sur la marée noire atteste des caractéristiques d’un déversement par un navire, la pollution fait plus de 10km (11,25km) et sa surface avoisine le km² soit l’équivalent de 100 terrains de football.

Immédiatement détourné vers le port de Colombo ; une inspection à bord confirme le dégazage illégal. Le navire est alors détenu jusqu’à ce que le propriétaire admette l’infraction et s’acquitte, dans le cadre d’une procédure administrative, de l’amende maximale prévue par la loi sri-lankaise, soit 15 millions de roupies (environ 50 000 euros).

 

Et demain ? Renforcer les moyens d’intervention

Asela B. Rekawa
Asela B. Rekawa, Président de la MEPA du Sri Lanka

Asela B. Rekawa, Président de la MEPA du Sri Lanka :

« Reconnaissant l’impératif d’identifier et de traiter rapidement les cas de pollution pétrolière dans les eaux sri-lankaises, ainsi que de demander des comptes aux responsables, le projet de collaboration “Pioneering Project for Maritime Oil Spill Detection and Monitoring in Sri Lanka”, généreusement financé par le gouvernement français, marque une étape importante. Ce projet ouvre la voie à la mise en place d’un système ultramoderne de surveillance des marées noires par satellite, qui nous permettra de disposer d’une technologie de pointe pour exercer une surveillance vigilante et réagir efficacement.

Cette collaboration marque la phase initiale de notre partenariat, et nous prévoyons son évolution vers une solution complète et à long terme pour la surveillance de la pollution de nos mers par hydrocarbures, grâce à nos efforts conjoints. »

 

Olivier GERMAIN
Olivier Germain, Responsable du projet Oil Spill Detection Sri Lanka pour CLS

Olivier Germain, Responsable du projet Oil Spill Detection Sri Lanka pour CLS :

« Depuis septembre 2023, CLS a fourni plus de 130 rapports de détection à la MEPA dans le but de démontrer l’efficacité des technologies satellitaires dans la lutte contre les pollutions marines et l’atténuation de leur impact sur l’environnement.

Le cas du Global Crest est considéré comme un véritable succès par les parties prenantes du projet. Cet exemple prouve qu’il est possible de sanctionner les pollueurs dès lors que l’information satellitaire est exploitée de manière efficiente par les acteurs opérationnels et judiciaires intervenant en aval. Nous sommes extrêmement fiers d’avoir contribué à ce succès de la MEPA en collaboration avec toutes les parties prenantes du projet. Reste à présent à transformer l’essai : les autorités sri-lankaises doivent mettre en œuvre une capacité nationale pleinement opérationnelle pour que le dispositif devienne complètement dissuasif. » 

* FASEP – Fonds de la Direction Générale du Trésor destiné à financer des études de faisabilité ou des projets démonstrateurs de technologies vertes et innovantes au bénéfice d’autorités publiques étrangères dans les pays en développement.

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